Les villes latino-américaines
Les villes latino-américaines, par leur histoire, leur constitution et leur évolution, sont marquées par une forte diversité, tant sociale que territoriale ou économique. Il est difficile d’en dégager de grandes dynamiques propres au continent, reflétant ainsi l’hétérogénéité des centres urbains latino-américains.
Historiquement, comme dans bon nombre d’autres régions, les villes latino-américaines sont avant tout littorales. La colonisation européenne jusqu’au XIXe siècle a favorisé les littoraux, essentiels au commerce avec la métropole. Ainsi en est-il de Buenos Aires, Caracas, La Havane, villes portuaires essentielles au commerce.
Les indépendances acquises, d’autres grands pôles émergent. Le développement brésilien de la seconde moitié du XXe siècle a été en partie permis par la croissance du Sudeste, autour des deux grandes métropoles que sont Sao Paulo (> 20 millions d’habitants) et Rio de Janeiro (15 millions), véritables cœurs économiques du pays, même si la première tend de plus en plus à éclipser la seconde. On retrouve même une quasi mégalopole sud-américaine, si l’on y ajoute des villes comme Porto Alegre, Belo Horizonte et leur extension uruguayenne (Montevideo). La force économique brésilienne y est localisée, notamment industrielle (aviation, automobile, etc.) et touristique. Seule la domination politique a disparu, au profit de Brasilia en 1960. La création de cette dernière, au milieu d’un espace très peu peuplé, répond à un pur objectif politique. Il s’agit de montrer la modernité de l’Etat brésilien (l’architecture d’O. Niemeyer y est pour beaucoup), sa puissance vis-à-vis des Etats voisins de l’Amazonie, ainsi que la volonté de créer un grand pôle pour exploiter les matières premières du bassin de l’Amazone. Elle ne reste cependant aujourd’hui qu’une ville politique, peu peuplée (3 millions d’habitants), et bien moins attractive que Rio ou Sao Paulo.
Les grandes villes intérieures du continent ont, elles, une origine bien plus ancienne. La plupart étaient en effet des centres névralgiques des trois grands empires précolombiens (inca, aztèque, maya). Celles-ci ont ainsi perdu une bonne partie de leur rayonnement, à l’exception notable de Mexico, ville la plus peuplée du continent (> 30 millions d’habitants) et ex-capitale aztèque. Etant pour la plupart parmi les plus hautes capitales du monde (Mexico, La Paz, Quito sont au-delà des 2000 mètres d’altitude), elles souffrent de conditions environnementales difficiles, notamment en termes de pollution et d’accès à une eau potable.
Malgré cette diversité géographique, les grandes villes du continent se rejoignent par l’importance de la polarisation accordée par les gouvernements au cours des dernières décennies. Les stratégies économiques locales, fondées sur le développement national (économies autocentrées et consorts), ont donné tous pouvoirs aux grandes villes, pour la plupart des capitales. Certaines concentrent une bonne partie de la population du pays (comme Buenos Aires, qui compte pour un tiers de la population argentine). D’autres concentrent tout le pouvoir économique, comme Caracas ou Santiago, et ne laissent aux villes secondaires qu’un pouvoir local réduit. Rares sont les pays où l’on compte plus d’une très grande ville, à part le Brésil, et dans une faible mesure la Colombie.
La polarisation nationale au profit de grandes villes rend donc l’influence transnationale de celles-ci relativement faible. Une seule ville peut prétendre avoir un rayonnement mondial, à savoir Rio, comme le prouve l’organisation des Jeux Olympiques 2016. Une extrême minorité (Sao Paulo-Rio, voire Buenos Aires) ont un rôle continental certain. Même avec l’ouverture du continent aux échanges, même avec le Mercosur, aucune ville ne peut prétendre à un rôle de leader en Amérique Latine. Il en résulte un éclatement du pouvoir économique et politique à l’échelle du continent, montrant là qu’il n’y a pas de leader incontestable en Amérique Latine.